Retour sur l’affaire et son évolution à ce jour
Le 10 décembre 2021, Reckya Madougou, l’ex-candidate de l’opposition béninoise à la présidentielle de 2021, était condamnée à 20 ans de prison pour complicité d’actes terroristes, après un procès controversé. Trois ans plus tard, la situation de l’opposante reste inchangée, malgré les appels à sa libération.
Le 10 décembre 2021, un procès marquant se déroulait à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) au Bénin. L’ancienne ministre et candidate du parti d’opposition Les Démocrates à la présidentielle de 2021, Reckya Madougou, était jugée après 10 mois de détention. Ce procès, qui s’est prolongé jusque tard dans la nuit, a abouti à une condamnation lourde : 20 ans de prison pour « complicité d’actes terroristes ».
Madougou avait été arrêtée en mars 2021, quelques jours avant le scrutin présidentiel, dans des circonstances qui ont alimenté les controverses. Accusée d’avoir financé une opération visant à assassiner des personnalités politiques pour empêcher la tenue de la présidentielle, elle a vigoureusement nié ces accusations. « Je n’ai jamais été terroriste et je ne serai jamais terroriste », avait-elle déclaré en préambule du procès. Malgré sa défense et celle de ses avocats, la justice béninoise l’a reconnue coupable des faits qui lui étaient reprochés.
Le procès, qui s’est étendu sur plus de vingt heures d’audience, a été marqué par un climat tendu. Dès le début, l’avocat parisien de Madougou, Me Antoine Vey, n’a pas caché sa frustration. Il a dénoncé la procédure comme un « coup politique », soulignant que son arrestation et la suite du processus judiciaire étaient « orchestrées » bien avant son inculpation. Il a demandé l’annulation du procès, mais n’a pas tardé à quitter la salle d’audience, critiquant ouvertement l’issue à venir. L’issue du procès fut sans surprise pour l’accusée, qui avait déclaré ne nourrir « aucune illusion » quant à un verdict favorable.
Le tribunal a finalement prononcé la condamnation requise par le procureur : 20 ans de prison pour financement du terrorisme. Avant l’annonce du verdict, Reckya Madougou, restée calme et stoïque, avait réaffirmé son innocence, déclarant que cette décision était une injustice. « Cette cour a délibérément décidé de clouer au pilori une innocente », a-t-elle affirmé. Elle a accueilli la sentence avec un léger sourire, affirmant : « C’est triste pour notre justice. Je maintiens qu’il n’y a pas de preuve ».
Les avocats de Madougou, parmi lesquels Me Robert Dossou, ont réagi avec consternation, dénonçant l’absence de preuves tangibles pour justifier cette condamnation. Ce dernier a insisté sur le caractère arbitraire de la décision, soulignant qu’il n’y avait pas de fondement juridique suffisant pour une telle peine.
Les appels à la libération sans suite
En novembre 2022, une avancée notable survenait dans l’affaire Madougou, lorsqu’un avis du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA/ONU) faisait surface. Par cet avis rendu en août 2022, le groupe onusien ordonnait la libération immédiate de l’opposante, estimant que sa détention était arbitraire et qu’elle n’était fondée sur aucune base légale. En outre, il demandait aux autorités béninoises de lui verser des dommages-intérêts pour compenser cette privation de liberté illégale.
L’avis du GTDA/ONU se basait sur une évaluation approfondie de la situation de Reckya Madougou. Les experts onusiens ont estimé que les autorités béninoises n’avaient pas fourni de preuves convaincantes pour justifier son incarcération et les accusations portées contre elle. Un délai de six mois avait été fixé pour respecter cette demande et fournir une réponse sur les mesures prises. Cependant, plus de deux ans après cet avis, aucune action concrète n’a été entreprise pour mettre en œuvre la décision de l’ONU, et la situation de Reckya Madougou reste inchangée.
Les appels à sa libération, qu’ils proviennent de l’ONU, d’organisations de défense des droits humains, ou d’acteurs politiques, sont restés sans écho. La situation de l’opposante continue ainsi de diviser l’opinion publique et internationale, alimentant les préoccupations concernant la justice et l’État de droit au Bénin.
En ce 10 décembre 2024, Reckya Madougou, emprisonnée depuis plus de trois ans, espère toujours la reconnaissance de son innocence.