
Dans une récente réflexion, l’ancien ministre Alain Adihou, membre de l’opposition non partisane s’est prononcé sur les tenants et aboutissants du parrainage. Il a salué entre autres l’ouverture faire par la Céna à cet effet.

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Décision n°2025/12 de la CÉNA : Vers une ouverture du parrainage aux candidats non partisans ?
Par Alain François ADIHOU
Ancien Ministre, Membre de l’Opposition non partisane
Récemment sur une chaîne de télévision de la place, parlant des candidatures à
l’élection présidentielle de 2026, j’ai exprimé mon souhait que le président
Patrice TALON, « ouvre le jeu pour qu’au niveau des offres, le peuple trouve un
peu plus d’opportunités. Qu’il trouve parmi les candidats quelqu’un à qui il va
dire en lui confiant sa destinée : tu continues une grande partie de ce que
TALON a fait de bon et tu corriges ses insuffisances ».
Depuis l’historique Conférence nationale en 1990, la démocratie béninoise s’est
petit à petit imposée tel un acquis collectif indéniable. Cependant, un acquis en constante construction et en perpétuel enracinement.
La récente réforme du Code électoral de mars 2024, et plus particulièrement, son
article 132 nouveau, continue de nourrir des débats passionnés et de susciter des
inquiétudes légitimes. En instituant le principe du parrainage par des élus, 28
députés et/ou maires provenant de quinze (15) circonscriptions électorales, le
législateur à travers cet article, a voulu, semble-t-il, consolider notre système
politique autour des seuls partis dont ces élus sont membres. En vérité, de fait, il a surtout renforcé un verrouillage qui fragilise la participation citoyenne et
complique l’accès des candidatures indépendantes à la compétition électorale
pour la présidentielle.
Toutefois, on ne saurait occulter un récent signe d’ouverture, porteur d’espoir et de responsabilité. C’est le sentiment, néanmoins quelque peu réservé, que
m’inspire notamment la récente Décision n°2025/12/CÉNA/PT/RAP/DGE/SP du 18 juillet 2025 de la Commission électorale nationale autonome (CÉNA). Par cette décision, l’institution chargée de l’organisation des élections a indiqué les
pièces constitutives du dossier de déclaration de candidature à la prochaine
élection présidentielle.
À travers cette décision, la CÉNA a fixé les modalités d’application de la loi électorale en certains de ses articles dont celui rappelé supra. Pour bénéficier du parrainage, l’institution demande désormais aux candidats non partisans
d’apporter « les preuves de leur désignation par le parti ou la coalition de partis dont les parrains sont membres ». Cela signifie concrètement que ces candidats indépendants peuvent négocier directement leur parrainage auprès des partis politiques qui détiennent des parrains, à savoir : les partis Union Progressiste le Renouveau (UP-R) et Bloc Républicain (BR) de la majorité présidentielle, et le parti les Démocrates (LD) de l’opposition.
Une ouverture politique à saluer avec prudence
L’assouplissement que fait apparaître la décision de la CÉNA, même partiel, mérite d’être salué. Il desserre l’étau d’un système qui paraissait hermétique. Il offre une chance réelle aux candidats indépendants d’exister politiquement, de dialoguer avec les partis ‘’propriétaires’’ de parrains, et de bâtir des alliances constructives. Désormais, il revient donc aux dirigeants des partis de la majorité présidentielle, l’UP-R et le BR, qui détiennent le plus grand nombre de parrains —152 sur 186— de démontrer leur sens de la nation et de l’inclusion démocratique, en accordant le parrainage à des candidats indépendants crédibles. Ce sera le gage d’un processus électoral plus participatif et apaisé. De leur côté, les responsables du parti LD pourront saisir l’opportunité que leur offre la décision de la CÉNA pour rassembler plus largement les forces de l’opposition autour de leur formation politique en soutenant une candidature indépendante issue de leur obédience. Ce faisant, ils travailleront au regroupement de l’opposition non parlementaire et de l’opposition non partisane autour d’eux, ainsi que bon nombre de déçus de la gouvernance TALON, et même une grande partie de la société civile. C’est la condition essentielle pour éviter l’éparpillement des voix et donner une réelle chance non seulement à
l’alternance mais surtout à une alternative crédible telle que fortement attendue par le peuple.
Un contrepoids au boycott et à la résistance
Certains citoyens appellent à la résistance ou au boycott, arguant que la réforme
verrouille définitivement le jeu démocratique. Je les comprends sans les
soutenir. Pour l’heure, j’accueille prudemment l’ouverture de la CÉNA comme un atout majeur contre ces discours de radicalisme ou de découragement. Plutôt que de se retirer du jeu, les forces vives de la nation peuvent et doivent se réapproprier l’espace démocratique en transformant cette brèche en levier de participation citoyenne massive. Je suis de l’avis de ceux qui s’interdisent les règlements de comptes, la vengeance et la violence. Je recommande de choisir le chemin du dialogue politique et du compromis démocratique, plutôt que celui de la confrontation ou du retrait. Seule la participation citoyenne forte et massive permettra d’infléchir durablement le cours des réformes, surtout les réformes politiques qui doivent être revisitées après 2026.
Mon invitation aux candidats indépendants
J’invite les candidats indépendants porteurs d’une vision et d’un projet de
réconciliation nationale, en vue de la participation de tous les citoyens au
développement inclusif de la nation, à se saisir de cette opportunité offerte par la
CÉNA pour aller ouvertement à la négociation de leur parrainage et nouer des accords patriotiques. L’histoire politique de notre pays et de sa démocratie
montre que les moments d’inflexion, même modestes, peuvent devenir des ponts vers un futur plus équilibré, à condition que les acteurs politiques en aient le courage, la volonté et la clairvoyance.
Pour une démocratie apaisée et inclusive
Le Bénin a plus que jamais besoin de projets et de comportements politiques qui
consolident les acquis démocratiques, qui transcendent les clivages partisans, qui rassemblent et qui bâtissent une vision commune de réconciliation nationale et de bonne gouvernance pour son développement authentique. L’heure n’est ni au repli ni à la résignation. Elle est plutôt à l’audace et à la responsabilité. Que les partis de la majorité présidentielle comme ceux de l’opposition s’élèvent à la hauteur de leur responsabilité historique et de leur mission pour la nation, en accordant les parrainages nécessaires aux candidats indépendants de leur choix, ceux qu’ils jugeront crédibles. Que ces derniers engagent avec loyauté et transparence les négociations nécessaires à cet effet. C’est ensemble que nous sauverons notre nation et sa démocratie en difficulté. Ce faisant, nous pourrons consolider notre héritage démocratique, renforcer la participation citoyenne et préparer l’avenir d’un Bénin réconcilié avec lui-même et avec ses enfants, un Bénin attaché à la paix durable, à la bonne gouvernance et à la justice sociale, toutes conditions nécessaires à la construction méthodique et patiente du vrai développement de notre pays et de nous-mêmes. Dieu veille !
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