Cryptomonnaie : la jeunesse béninoise entre rêves de richesse et pièges numériques, les experts éclairent

La cryptomonnaie attire de plus en plus les jeunes Béninois, séduits par la promesse de gains rapides dans un contexte marqué par le chômage et la précarité. Pourtant, derrière cet engouement, des chiffres inquiétants rappellent la prudence : 70 % des investisseurs africains en cryptomonnaie ont perdu de l’argent depuis 2021, selon un rapport de Kasi Insight. Experts et sociologues appellent à la vigilance face à ce phénomène en plein essor.

La cryptomonnaie, monnaie virtuelle accessible uniquement en ligne, séduit de nombreux jeunes au Bénin. Avec l’espoir de gagner de l’argent rapidement, certains y voient une opportunité inédite pour améliorer leur situation économique. Pour d’autres, c’est un domaine passionnant qui mérite d’être exploré en profondeur.
« Je connais les crypto-monnaies. Ce sont des monnaies virtuelles, un peu comme les monnaies traditionnelles, qui permettent de faire des transactions sur des plateformes en ligne. J’ai déjà utilisé la plateforme Binance, principalement pour gagner de l’argent. Au départ, je pensais que la cryptomonnaie était un moyen de s’enrichir rapidement. Mais après avoir fait des recherches, j’ai découvert que c’est un domaine beaucoup plus passionnant », explique Gilles-Christ, étudiant en deuxième année à l’Université d’Abomey-Calavi.
Le même intérêt se retrouve chez Borgia Vianney Deguenon, étudiant en deuxième année à l’ENSTIC de la même université, qui confie : « Je me suis intéressé à la cryptomonnaie parce que, comme tout le monde, je veux gagner de l’argent. Je n’ai encore rien gagné, mais heureusement, je n’ai rien perdu non plus. Je suis motivé à me lancer et à investir sérieusement. »
Pour certains, la cryptomonnaie est aussi une affaire de confiance familiale. Esther Gnolonfoun, entrepreneure à Abomey-Calavi, affirme : « Je connais les crypto-monnaies, et c’est pour gagner de l’argent que je m’y intéresse vraiment. J’ai plusieurs grands frères qui ont investi et ont réalisé de bons gains. Je leur fais confiance et, de ce fait, j’ai confiance en ces plateformes. »
Pourtant, ces espoirs ne sont pas toujours couronnés de succès. Plusieurs jeunes rencontrés reconnaissent, sous couvert d’anonymat, avoir perdu de l’argent sur des plateformes peu fiables ou mal sécurisées. Le rêve de fortune rapide s’est parfois transformé en cauchemar.
Face à cet engouement, Hervé Djagoro, expert en cryptomonnaie, rappelle les bases du phénomène : « La cryptomonnaie est une monnaie numérique, qui n’existe pas physiquement comme les billets ou les pièces. Elle circule uniquement sur Internet et peut être utilisée pour envoyer de l’argent, faire des achats ou investir. Tout cela se fait de manière sécurisée, rapide et accessible à tous, sans passer par une banque traditionnelle. » Selon lui, « les plateformes de cryptomonnaies, telles que Binance ou Bitcoin, sont des applications ou sites web qui permettent d’acheter, de vendre et d’échanger des cryptos. On y ouvre un compte, on y dépose de l’argent, puis on peut acheter différentes cryptomonnaies. Ces plateformes sont aujourd’hui très populaires. » Mais l’expert met en garde : « Il existe des risques. La cryptomonnaie n’est pas sans danger : il est possible de perdre de l’argent à cause d’arnaques ou de plateformes peu sécurisées. Il faut donc être prudent. »
Faut-il préciser que plus 70 % des investisseurs africains ont perdu de l’argent depuis 2021, souvent pour ces diverses raisons. « Je conseille vivement de se former avant d’investir, de ne jamais placer de l’argent sans comprendre ce que l’on fait, et surtout, de ne pas investir plus que ce qu’on est prêt à perdre. La cryptomonnaie n’est pas une course effrénée ; il faut éviter les arnaques et agir avec patience et discipline. Ce n’est pas de la magie, mais un outil puissant qui, bien utilisé, peut donner de bons résultats. » conseille l’expert.
Le sociologue Jean Djisouklounon, enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi, complète ce tableau en s’interrogeant sur les motivations profondes des jeunes : « Lorsque l’on interroge les jeunes aujourd’hui, beaucoup disent vouloir devenir millionnaires rapidement, ce qui explique en partie leur engouement pour la cryptomonnaie. Ils cherchent une forme de gain facile, et cette quête influence leur comportement : ils veulent réussir sans trop d’efforts. » Il souligne : « L’argent mal acquis ne profite jamais durablement. Il est important que les jeunes changent leur vision, écoutent les conseils de leurs aînés, et comprennent que la réussite vient du travail sérieux et de l’effort. » Le sociologue évoque aussi les risques sociaux liés à la cryptomonnaie : « La popularité de la cryptomonnaie peut entraîner des conséquences négatives, comme la fraude ou le détournement d’argent, surtout lorsqu’il s’agit de convertir des cryptos en monnaie classique. Cela crée des opportunités pour les escroqueries. »
Pour lui, « la cryptomonnaie représente une opportunité, mais ce n’est pas un substitut à un métier réel. Il faut travailler et rester vigilant. Il est essentiel de sensibiliser et de conscientiser les jeunes afin qu’ils utilisent les aspects positifs de cette technologie innovante. »
Entre espoirs de fortune et risques bien réels, la cryptomonnaie apparaît comme un phénomène à double tranchant pour la jeunesse béninoise. Si elle offre des perspectives inédites, elle exige surtout prudence, formation et lucidité. À l’heure où le rêve numérique séduit, il est urgent d’accompagner les jeunes pour éviter que cet eldorado ne tourne au mirage.
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Michée Tchezounmè