Affaire Olivier Boko : Patrice Talon brise le silence et parle d’une “trahison”

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Dans une interview exclusive accordée à Jeune Afrique et publiée ce vendredi 14 mars 2025, le président béninois Patrice Talon s’est exprimé pour la première fois en profondeur sur l’affaire de tentative de coup d’État qui a conduit à la condamnation de Olivier Boko et de Oswald Homeky à 20 ans de prison. Dans un entretien qui prend des airs de confession, le chef de l’État évoque une trahison personnelle et une soif de pouvoir de la part de son ancien allié, qu’il qualifie désormais de “monstre” qu’il aurait lui-même créé.

“Olivier Boko était un frère, il est devenu un monstre”

Dès le début de l’entretien, Patrice Talon ne cache pas son amertume : “Olivier Boko était un frère, il est devenu un monstre”, déclare-t-il, avant d’expliquer qu’il porte une part de responsabilité dans cette situation. “J’ai ma part de responsabilité, bien sûr. Sans m’en rendre compte, j’ai créé un monstre qui, telle une araignée, avait méthodiquement tissé sa toile dans tous les milieux de la vie publique : politiciens, magistrats, services de sécurité, hommes d’affaires.”

Le président béninois affirme que son plus grand regret est d’avoir perdu son meilleur ami, un homme à qui il avait délégué une confiance absolue, allant jusqu’à lui confier des missions de premier ordre.

Une confiance brisée : Boko contrôlait les renseignements et la sécurité présidentielle

Patrice Talon révèle dans cette interview un aspect méconnu du rôle qu’occupait Olivier Boko dans son entourage. Il explique qu’il lui avait confié le contrôle des services de renseignement et de sa propre sécurité :

“Ma confiance envers lui était totale, au point que je lui avais délégué le contrôle des services de renseignement et de ma propre sécurité.”

Cette proximité et cette influence faisaient d’Olivier Boko un personnage clé du régime, au point où le chef de la Garde républicaine, le colonel Tévoédjrè, a témoigné au procès que Boko était le seul, en dehors du président, à pouvoir lui donner des instructions.

Talon explique avoir vécu cette situation comme un véritable choc, car selon lui, ils avaient convenu d’un pacte moral :

“Il était dit et convenu entre nous qu’autant je refusais de m’éterniser au pouvoir – et cela pour le bien du pays et de la démocratie – autant, et pour les mêmes raisons, il était inenvisageable à mes yeux que mon successeur soit issu de ma famille ou de mon clan. Or, si un homme était de mon clan, c’était bien Olivier Boko.”

“Il voulait me déposer” : une ambition présidentielle devenue dangereuse

Le chef de l’État béninois confie qu’au début, il n’a pas pris au sérieux les rumeurs sur une éventuelle ambition présidentielle de Boko :

“J’ai d’abord cru à des sornettes. J’étais dans le déni… Je n’ai jamais sérieusement pensé qu’Olivier Boko convoitait la fonction que j’occupe.”

Mais il dit avoir réalisé progressivement que son ancien ami nourrissait une ambition démesurée. Selon lui, Boko aurait d’abord envisagé une candidature indépendante, avant de se rendre compte que cette voie était une impasse. C’est à ce moment-là, selon Talon, que son ancien allié aurait commencé “à penser au pire” :

“En réalité, ce n’était pas, comme je l’ai longtemps cru, un caprice d’enfant gâté de sa part, mais bel et bien une volonté déterminée d’exercer le pouvoir, tout le pouvoir, quitte à me déposer.”

Même s’il affirme que Boko et Homeky n’avaient pas nécessairement l’intention de le tuer, il met en garde contre les dangers de toute tentative de coup d’État :

“Le déroulement d’un coup d’État est toujours imprévisible et nul n’est à l’abri d’un dérapage sanglant.”

Un entourage nocif et une chute brutale

Patrice Talon explique enfin que Boko aurait été influencé par son entourage, un cercle de “flatteurs” qui l’auraient encouragé dans sa quête du pouvoir.

“S’ils en sont arrivés à cet extrême, c’est parce qu’Olivier Boko s’était entouré d’une cour de flatteurs qui l’encourageaient dans son ambition. Et c’est cela qui l’a perdu.”

À travers cette interview, Patrice Talon semble vouloir tourner définitivement la page de cette affaire qui a secoué son régime et redéfinir l’histoire de sa relation avec Olivier Boko. Cependant, ses révélations risquent de relancer le débat sur les dissensions internes au sein du pouvoir béninois et sur les véritables motivations derrière cette affaire judiciaire.


Avec cette interview choc, Patrice Talon marque une rupture totale avec son ancien bras droit et réaffirme son rejet de toute succession dynastique ou clanique. Son témoignage vient aussi légitimer l’issue du procès, en présentant Boko comme un homme dont l’ambition a fini par le mener à sa perte.

Reste à savoir comment cette affaire influencera la transition politique à venir au Bénin, alors que Talon arrive au terme de son deuxième et dernier mandat en 2026. [Rejoignez plus de 20.000 abonnés sur notre chaîne WhatsApp pour ne rien manquer de l’actualité béninoise ! Cliquez ici pour vous abonner.]

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