Le lévirat est une coutume profondément enracinée dans de nombreuses sociétés africaines. Selon les ethnies, la veuve est perçue comme un bien à préserver dans la famille du défunt, ce qui explique pourquoi cette pratique continue d’exister, malgré les résistances modernes.
Burkina Faso : Chez les Mossi, la veuve est considérée comme un bien appartenant au défunt et doit être épousée par un membre de sa famille. L’objectif est de préserver la dot et de maintenir l’héritage familial intact.
République Centrafricaine : Le lévirat est expliqué comme un moyen de « conserver la dot », soulignant une vision patrimoniale de la femme dans certaines sociétés.
Kenya : Parmi les Luo, la pratique du lévirat reste courante, mais est également une source de dénonciations, notamment en raison des risques sanitaires, notamment le VIH/SIDA.
Cameroun et Nigéria : Le lévirat persiste chez les Bamiléké, les Bassa et certaines communautés Yoruba et Igbo, souvent perçu comme une manière de maintenir la cohésion familiale et d’assurer l’héritage.
Les réalités du lévirat : Mariages forcés et héritage
Dans de nombreuses sociétés, le lévirat n’est pas toujours perçu comme un choix, mais plutôt comme une obligation, notamment dans un contexte de pauvreté. La veuve, souvent sans ressources financières ou sociales après le décès de son mari, se voit contrainte de se remarier dans la même famille. Ce remariage est censé assurer sa protection et celle de ses enfants. Toutefois, cette pratique met souvent en lumière des abus, des menaces et des violences physiques et psychologiques.
Mayi, une veuve burkinabé, témoigne qu’après la mort de son mari, elle a épousé son beau-frère. « Nous venons d’avoir des jumeaux », indique-t-elle, soulignant que, malgré son consentement apparent, cette situation reste le fruit de pressions familiales.
Adakou, une veuve béninoise, raconte une expérience tragique où elle a été contrainte d’épouser un fils de son défunt mari, ce qu’elle a refusé. Elle dénonce les menaces et la maladie qui en ont découlé, un épisode qui montre la violence psychologique derrière le lévirat.
Le lévirat au Bénin : entre interdiction légale et persistance dans les communautés rurales
Le Code des personnes et de la famille du Bénin, adopté en 2004, interdit le lévirat. Cependant, cette interdiction ne suffit pas à éradiquer la pratique, notamment dans les régions rurales où les traditions sont encore très ancrées. Le Bénin, comme d’autres pays de la sous-région, fait face à un défi de conciliation entre la modernité et les coutumes ancestrales.
Les régions de Dogbo (Couffo), Atacora, et Collines, particulièrement dans le nord et le sud du pays, restent des foyers où le lévirat persiste. La pression familiale, la peur de l’indigence et la volonté de préserver l’héritage familial maintiennent cette coutume en vie, malgré les dénonciations et les actions de sensibilisation menées par des organisations locales.
L’impact du lévirat sur les droits des femmes
Le lévirat a un impact profond sur les droits des femmes, réduisant leur autonomie et leur capacité à prendre des décisions concernant leur vie. Dans les communautés où cette pratique est courante, les femmes se voient souvent spoliées de leurs biens, et les enfants peuvent être privés de la garde de leur mère. Le contrôle exercé sur la veuve va au-delà du mariage forcé : il touche également à la gestion de son héritage et de ses biens.
Les violences basées sur le genre et le lévirat : une problématique systémique
Le lévirat n’est pas seulement une pratique culturelle, mais une forme de violence systémique envers les femmes. Les pressions exercées sur les veuves, la menace de répudiation, l’isolement social, la violence psychologique, voire physique, sont des éléments récurrents de cette coutume. Dans certains cas, les femmes subissent des violences domestiques de la part de leurs beaux-fils ou d’autres membres de la famille du défunt, une forme de violence particulièrement difficile à dénoncer en raison de la pression sociale et familiale.
Les risques sanitaires : VIH/SIDA et autres maladies sexuellement transmissibles
En plus des violences physiques et psychologiques, le lévirat expose les femmes à des risques sanitaires importants. Le remariage forcé ou contraint avec un membre de la famille du défunt peut entraîner la propagation du VIH/SIDA, en particulier dans les communautés où la maladie est déjà endémique. Les femmes, souvent ignorantes de ces risques, subissent une double violence : celle de la contrainte sociale et celle des dangers pour leur santé.
Combat contre le lévirat : Sensibilisation, législation et alternatives
De nombreuses organisations féministes et de défense des droits des femmes s’emploient à sensibiliser les communautés et les veuves aux droits dont elles disposent. Des campagnes de sensibilisation sont menées pour informer les femmes de leur droit à refuser le mariage forcé, à accéder à la justice et à revendiquer leur autonomie. Cependant, ces campagnes doivent encore surmonter des obstacles importants, notamment l’analphabétisme, la pauvreté et les mentalités conservatrices.
La Ligue béninoise des droits des femmes et des organisations telles que WILDAF/Togo mènent des campagnes pour aider les veuves à comprendre qu’elles ne sont pas obligées de se remarier contre leur gré.
Le rôle de l’éducation et des politiques publiques : Au-delà des actions de sensibilisation, il est impératif d’instaurer des politiques publiques qui renforcent la sécurité sociale et l’autonomie économique des femmes. Une meilleure couverture sociale permettrait aux veuves de se soutenir financièrement, réduisant ainsi leur vulnérabilité à la pression sociale du lévirat.
Des alternatives : la réévaluation des traditions
Enfin, il est crucial de réévaluer les traditions et coutumes dans le contexte moderne. Si certaines femmes acceptent le lévirat sans pression, il est important de veiller à ce qu’elles puissent faire ce choix en toute liberté, sans crainte de représailles. Les sociétés africaines doivent évoluer vers des pratiques qui respectent les droits fondamentaux des femmes tout en préservant les éléments positifs des traditions. [Rejoignez plus de 20.000 abonnés sur notre chaîne WhatsApp pour ne rien manquer de l’actualité béninoise ! Cliquez ici pour vous abonner.]
© BÉNIN-NEWS, l’information autrement