Coup de théâtre au procès Dangnivo : Kossi Alofa conteste son identité et accuse des autorités sous Yayi

0 2 048

« Je ne le connaissais pas, on m’a juste demandé de dire que c’était moi qui l’avais éliminé », lire ses troublantes révélations

Après plus d’une décennie de mystère, de controverses et de reports successifs, le procès de l’affaire Urbain Pierre Dangnivo s’est enfin ouvert ce mardi 11 mars 2025 au Tribunal de première instance de Cotonou. Ce cadre du ministère de l’Économie et des Finances et militant de l’opposition avait disparu le 17 août 2010, une disparition qui avait immédiatement suscité des suspicions de crime politique.

Depuis 2010, l’opposition et plusieurs syndicats dénoncent un assassinat commandité par le pouvoir d’alors, en raison des révélations que Dangnivo aurait détenues sur des scandales financiers impliquant des hautes autorités. Malgré la découverte d’un corps en septembre 2010 (que la famille a toujours refusé d’identifier comme celui du disparu) et l’arrestation de deux suspects, l’affaire est restée dans l’impasse judiciaire pendant de longues années.

Aujourd’hui, le procès tant attendu se déroule dans la salle G du tribunal, sous forte médiatisation. Un écran géant a été installé pour suivre l’audience, et plusieurs personnalités, étudiants en droit et membres de la famille de la victime sont présents.

Une audience sous haute tension

Dès 08h59, l’audience était annoncée comme imminente, mais il a fallu attendre 10h44 pour voir la cour s’installer et l’ouverture officielle du procès. Les deux accusés, Kossi Alofa et Donatien Amoussou, poursuivis respectivement pour assassinat et complicité d’assassinat, ont été appelés à la barre.

Le président du tribunal a tenu à préciser que “ce procès n’est pas un nouveau dossier, mais une reprise des débats pour approfondir les éléments déjà évoqués lors des précédentes procédures.” Il a également assuré que chaque accusé disposait bien d’un avocat.

Les avocats de la partie civile, dont Me Olga Annassidé et Me Théodore Zinflou, ont formulé plusieurs demandes, notamment la transmission des ordonnances de scellés et de levée de scellés des restes du corps retrouvé, craignant que des manipulations aient pu altérer l’intégrité des preuves. Le ministère public s’est engagé à fournir les documents demandés.

Kossi Alofa à la barre : des révélations troublantes

Au cours des premiers échanges, Kossi Alofa a surpris la cour en affirmant que son véritable nom est Alofa Codjo et non Codjo Cossi Alofa, comme inscrit dans les dossiers judiciaires. Il attribue cette confusion au commissaire Aledji, qui lui aurait donné un second prénom.

Les propos de Kossi Alofa prennent ensuite une tournure plus grave lorsqu’il affirme avoir été contacté pour “faire un travail pour le président de la République de l’époque”. Selon lui, il lui a été expliqué que “dans un pays, si certains citoyens gênent le président, on s’occupe d’eux.”

Alofa soutient que Dangnivo possédait des renseignements compromettants pour l’ancien régime et qu’il lui a été proposé une somme de 25 millions FCFA et sa liberté s’il acceptait d’exécuter la mission qui lui était confiée. Cependant, il affirme n’avoir jamais reçu cet argent.

Lors des interrogations, Alofa explique qu’il ignore comment un treillis militaire s’est retrouvé à son domicile. Il soutient également ne pas savoir ce qu’est devenu le corps de Dangnivo, jusqu’à ce qu’un cadavre soit retrouvé chez lui à Womey.

Un passé criminel qui interroge

Interrogé sur son passé, Alofa révèle avoir été arrêté dans la nuit du 16 août 2010, soit la veille de la disparition de Dangnivo, pour vol de moto. Il raconte qu’il était en compagnie d’un complice qui, lui, a réussi à prendre la fuite.

Placé en détention à Godomey, il affirme que son téléphone, confisqué par la police, recevait encore des appels de son complice. Une fois transféré à la prison civile de Cotonou le 14 septembre 2010, il dit avoir contacté son ami pour lui demander de lui prendre un avocat.

Un enlèvement rocambolesque

Alofa poursuit son témoignage en relatant une scène digne d’un film d’espionnage. Selon lui, un jour vers 4 heures du matin, des hommes l’auraient cagoulé et embarqué dans un véhicule. Il se souvient leur avoir demandé où ils l’emmenaient, ce à quoi ils lui auraient répondu qu’ils allaient le déposer au Togo.

Mais le trajet, raconte-t-il, a duré plus longtemps que prévu. Finalement, le convoi s’est arrêté à Hillacondji, la frontière entre le Bénin et le Togo, où on l’aurait laissé. Déboussolé, il s’est alors présenté aux autorités togolaises, qui l’ont gardé en détention pendant 17 jours avant de le remettre aux autorités béninoises.

Une version remise en question

Face aux déclarations de l’accusé, les avocats de la partie civile l’ont pressé de questions. L’un d’eux lui a demandé s’il avait déjà entendu parler d’Urbain Pierre Dangnivo avant cette affaire. Alofa a répondu : “Non, je ne le connaissais pas”, avant d’ajouter que c’est uniquement à cause de cette affaire qu’il se retrouve aujourd’hui devant la justice.

Lorsqu’on lui a demandé s’il avait réellement tué Urbain Dangnivo, il a nié en bloc : “On m’a juste demandé de dire que c’était moi qui l’avais éliminé”.

Un autre avocat l’a interrogé sur son niveau d’instruction, ce à quoi il a répondu qu’il s’était arrêté en classe de CE1. L’avocat a alors soulevé une question troublante : “Comment, avec un niveau d’études aussi bas, avez-vous pu répéter des déclarations complexes mot pour mot ?”.

Les prochains jours décisifs

Ce procès, prévu pour durer jusqu’au 14 mars 2025, est perçu comme une occasion historique pour faire la lumière sur l’un des plus grands mystères judiciaires du Bénin. Entre accusations de manipulation, soupçons de crime d’État et controverses autour des preuves, l’issue du procès pourrait avoir de lourdes répercussions, tant sur le plan judiciaire que politique.

Le procureur de la République, Olushegun Tidjani Serpos, a réaffirmé sa volonté d’aller jusqu’au bout de cette affaire pour que “toute la vérité éclate et que justice soit rendue”.

Les prochaines audiences s’annoncent cruciales. [Rejoignez plus de 20.000 abonnés sur notre chaîne WhatsApp pour ne rien manquer de l’actualité béninoise ! Cliquez ici pour vous abonner.]

© BÉNIN-NEWS, l’information autrement

Leave A Reply

Your email address will not be published.

× Contactez-Nous