Les violences basées sur le genre (VBG) constituent une réalité préoccupante au Bénin, touchant principalement les femmes et les filles, mais aussi des hommes et des garçons. Ancrées dans des inégalités sociales et culturelles, elles prennent diverses formes et ont des conséquences profondes sur les victimes et sur la société dans son ensemble.
Les violences basées sur le genre au Bénin se manifestent sous plusieurs formes. Les violences économiques empêchent les victimes d’accéder aux ressources financières, les privant ainsi de leur autonomie. Elles peuvent se traduire par l’interdiction d’exercer une activité économique, la confiscation des revenus ou encore la manipulation des ressources financières d’une personne. Les violences psychologiques et morales, quant à elles, affectent l’estime de soi et le bien-être mental des victimes à travers des insultes, des humiliations, des menaces, des comparaisons destructrices et l’isolement social forcé.
Les violences sexuelles portent atteinte à l’intégrité physique et morale des victimes et comprennent le viol, le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles, l’exploitation sexuelle, le mariage forcé et les mutilations génitales féminines. Les violences physiques englobent toute forme d’agression corporelle, qu’il s’agisse de coups, de châtiments corporels ou d’attaques à l’arme blanche. Les violences patrimoniales se manifestent par la destruction, la confiscation ou la privation de biens et ressources économiques appartenant à la victime. Enfin, les violences en ligne, de plus en plus répandues avec l’essor des technologies numériques, incluent le cyberharcèlement, l’exploitation sexuelle en ligne et la diffusion non consentie d’images à caractère sexuel.
Les causes de ces violences sont multiples et profondément enracinées dans la société béninoise. Les normes patriarcales et les stéréotypes de genre renforcent la domination masculine et la soumission des femmes, favorisant ainsi les violences. Certaines pratiques traditionnelles néfastes, comme le lévirat, les mariages précoces et les mutilations génitales féminines, perpétuent ces abus. La dépendance économique des femmes constitue également un facteur aggravant, car elle les empêche souvent de quitter un environnement violent. De plus, le faible accès à la justice, la corruption et la tolérance sociale des violences contribuent à leur perpétuation. Enfin, l’essor des nouvelles technologies a engendré une augmentation des violences numériques, touchant particulièrement les jeunes.
Des statistiques qui interpellent
Les données du Système Intégré de Données relatives à la Famille, la Femme et l’Enfant (SIDoFFE-NG) révèlent l’ampleur du phénomène au Bénin. Entre février 2019 et février 2022, 49 907 cas de VBG ont été recensés. Entre 2022 et octobre 2024, ce chiffre a grimpé à 55 982 cas. Les violences psychologiques et morales sont les plus répandues, représentant 47,06 % des cas enregistrés entre 2020 et 2023. Les violences physiques concernent entre 21,1 % et 33,1 % des adultes, les femmes étant légèrement plus touchées que les hommes.
Les violences sexuelles affectent davantage les femmes, avec 33 % des femmes de 15 ans et plus concernées, contre 27,3 % des hommes. Chez les enfants de 3 à 14 ans, les filles sont plus exposées (21,9 %) que les garçons (17,6 %). Les violences en ligne touchent 12,1 % des femmes et 15 % des hommes âgés de 15 ans ou plus. Chez les enfants, la prévalence est de 7,3 % pour les filles contre 5,6 % pour les garçons.
Les conséquences de ces violences sont multiples et touchent tant les victimes que la société. Sur le plan psychologique, les victimes souffrent de troubles émotionnels tels que la peur, la colère, la honte, la dépression et des syndromes post-traumatiques. Les impacts physiques incluent des blessures corporelles, des handicaps, ainsi que des complications de santé comme les grossesses non désirées et les infections sexuellement transmissibles. L’impact social se traduit par l’isolement des victimes et la destruction des structures familiales. Sur le plan économique, les violences basées sur le genre freinent l’émancipation des victimes, notamment dans le cas de la violence conjugale qui entrave la capacité d’entreprendre et de subvenir à ses besoins.
Les efforts et stratégies pour lutter contre les VBG
Face à l’ampleur du problème, l’État béninois, les organisations de la société civile et les partenaires internationaux ont mis en place plusieurs initiatives pour prévenir et sanctionner ces violences. Selon les données du SIDOFFE-NG, le cadre législatif s’est renforcé avec l’adoption de plusieurs lois criminalisant les violences domestiques, le harcèlement sexuel, la traite des êtres humains et les mutilations génitales féminines. À cela s’ajoutent les engagements du Bénin à travers divers instruments internationaux et régionaux pour lutter contre les VBG.
Sur le plan institutionnel, plusieurs structures sont impliquées dans la prévention et la prise en charge des victimes. Le Ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance (MASM) dispose de 85 Centres de Promotion Sociale (CPS) pour accompagner les survivantes à en croire les données du SIDOFFE-NG. Le Ministère de la Santé assure la prise en charge médicale et psychologique des victimes dans les formations sanitaires et les hôpitaux. Le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, à travers l’Office Central de Protection des Mineurs (OCPM), intervient dans la protection des victimes et la poursuite des auteurs. Le Ministère de la Justice, les Partenaires Techniques et Financiers ainsi que les Organisations de la Société Civile jouent également un rôle crucial dans la lutte contre ces violences. Les Cipec, désormais au nombre de quatre, assurent la prise en charge holistique des survivant.e.s de VBG, sans oublier l’Institut national de la femme (Inf) mis en place par lz gouvernement du président Patrice Talon depuis 2021 qui protège les femmes et les filles contre tous les cas d’abus au Bénin.
En complément, plusieurs initiatives ont été mises en place pour renforcer la prévention. Des campagnes de sensibilisation et d’éducation visent à déconstruire les stéréotypes de genre et à promouvoir l’égalité. Les actions pour l’autonomisation économique des femmes, comme l’accès aux financements et les programmes d’entrepreneuriat, permettent de réduire leur vulnérabilité. Par ailleurs, la lutte contre les violences numériques passe par la régulation du cyberharcèlement et la sensibilisation à l’utilisation sécurisée des technologies de l’information et de la communication.
Les violences basées sur le genre demeurent un défi majeur au Bénin, alimenté par des normes socioculturelles, des inégalités économiques et un accès limité à la justice. Toutefois, les réformes législatives, les initiatives de sensibilisation et l’engagement des acteurs publics et privés témoignent d’une volonté croissante de mettre fin à ces violences. Il est essentiel de poursuivre ces efforts en renforçant l’éducation, la prévention et les mécanismes de protection pour garantir un avenir sans violence aux générations futures.
Abbas TITILOLA
Avec la collaboration de CeRADIS ONG, membre de l’Alliance Droit et Santé