Ce que vous ne saviez peut-être pas : l’histoire du massacre de Kanugu, les dérives d’une secte qui a tué plus de 700 fidèles (Suite et fin)
Le 17 mars, jour prévu pour la véritable fin du monde, une grande veillée de prières est organisée et près de 600 fidèles sont présents. Toutes les portes, fenêtres et issues de sortie sont condamnées. Puis soudain, retentit une violente explosion. Les fidèles sont convaincus que cette fois ci, c’est bien la fin du monde. Un violent incendie va se déclarer et ravager le bâtiment avec tous les fidèles à l’intérieur. Près de 550 fidèles vont périr dans les flammes parmi lesquels près d’une centaine d’enfants. L’incendie a été provoquée par un mélange détonant d’essence et d’acide sulfurique, réparti dans des jerrycans de plastique alignés le long des murs autour du lieu de culte. Impossible de fuir : fenêtres et portes avaient été obturées de l’extérieur par des planches clouées aux murs.On va alors émettre la thèse d’un suicide collectif. Quelques jours après le drame, la police ougandaise va faire des découvertes qui vont battre en brèche la thèse du suicide collectif.
La police va découvrir des centaines d’autres corps dans des propriétés appartenant à la secte dans le pays (155 corps à Rugazi, 154 corps à Buhunage, 81 corps dans une ferme d’un leader de la secte, 55 corps à Kampala). Les examens médico-légaux vont révéler que ces victimes sont mortes empoisonnées et poignardées. Aussi, celles-ci ont été tuées plusieurs semaines avant l’incendie apocalyptique du 17 mars. Et les fidèles qui ont péri dans les flammes de l’église avaient été empoisonnés avant que le bâtiment ne s’embrase. En effet, du poison avait été mis dans les boissons non alcoolisées qu’ils avaient ingurgitées durant la grande fête avant la veillée de prières. On va dénombrer en tout près 800 cadavres. En dehors des victimes de l’incendie, la majorité des victimes ont été empoisonnées ou assassinées à l’arme blanche. Il ne s’agit pas d’un suicide collectif. En réalité, tout avait été planifié par les leaders de la secte. Etant convaincus qu’ils s’étaient trompés sur leur prédiction de la fin du monde, ayant pris l’argent et tous les biens de leurs fidèles qu’ils n’étaient plus à même de rembourser, les dirigeants de la secte ont tout simplement eu l’idée macabre d’organiser minutieusement l’apocalypse qui tardait à arriver. Ils ont payé des hommes de main pour les aider à réaliser la sale besogne : Mettre le feu à l’église, empoisonner et assassiner brutalement les fidèles (coups de couteaux, de machettes, de haches etc.). Les gourous ont organisé méticuleusement ce massacre de grande échelle grâce à une garde prétorienne chargée d’abattre les fidèles et de les enterrer dans des fosses communes.
Officiellement, les corps des leaders n’ont pas été reconnus parmi les cadavres. Il faut aussi reconnaitre qu’il aurait été difficile de les reconnaitre parmi les centaines de corps carbonisés. Toujours est-il que le gouvernement ougandais les soupçonne d’être encore en vie. Un mandat d’arrêt international a été délivré en l’encontre Joseph Kibwetere, Credonia Mwerinde et de quatre autres dirigeants de la secte. Une forte récompense a même été promis à toute personne qui aidera à capturer ces gourous diaboliques. Jusqu’à ce jour, on ne sait pas ce que sont devenus les leaders de la secte. Sont-ils morts carbonisés ? Ont-ils pris la fuite pour un pays étranger avec tout l’argent qu’ils avaient accumulé ? (Surtout que des enquêtes vont révéler qu’ils avaient gardé de l’argent à l’étranger et étaient en contact avec des gourous de plusieurs sectes millénaristes à l’étranger). Ils sont peut-être passés au Congo voisin, selon des témoins qui affirment les avoir aperçus sur la route vers le Congo, la veille du massacre de Kanungu.La personnalité des deux principaux gourous interroge néanmoins.
Joseph Kibwetere est un ancien fonctionnaire et homme d’affaires, soutien et ardent défenseur du dictateur Idi Amin Dada. Credonia Mwerinde est une ancienne prostituée sulfureuse.Mais comment est-ce qu’un tel massacre a-t-il pu se produire ? En réalité la secte bénéficiait de soutiens puissants dans les arcanes du pouvoir ; c’est pour cela qu’ils n’ont jamais été inquiétés malgré les accusations graves qui pesaient sur eux : violences, travail des enfants, humiliations, tortures, interdiction de rapports sexuels, interdiction de consommer les comprimés (seule la prière sauve) etc. Les leaders de la secte avaient corrompu les autorités locales et même les policiers locaux faisaient partie de la secte. Le 20 septembre 1994, c’est le président ougandais en personne, Yoweri Museveni, qui recevait la secte dans son habitation privée de Rwakitura.
Un récit de Ketch Arol proposé par Abdel Azize