« L’unité africaine est une utopie » : Arifari Bako démonte les illusions d’un rêve continental

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Portez l’elegance

C’est en qualité de personne ressource que l’ancien ministre Nassirou Arifari Bako est intervenu, le jeudi 10 juillet 2025, dans la salle de conférence du Chant d’Oiseau à Cotonou, à l’invitation de l’Institut des artisans de justice et de paix (IAJP). À travers un exposé dense et critique, il a éclairé la réflexion sur la souveraineté politique des États africains, en dénonçant ce qu’il considère comme une illusion tenace : celle de l’unité africaine.

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En abordant le thème « Souveraineté du pouvoir politique en Afrique : entre unité africaine et impuissance des dirigeants africains ? », il dresse un constat frontal : « L’unité africaine est une utopie ».

Ancien chef de la diplomatie béninoise, Arifari Bako n’élude rien. Il rappelle d’entrée que la souveraineté des États africains, bien que proclamée depuis les indépendances, demeure largement partielle. À ses yeux, cette souveraineté est grignotée de toutes parts : dépendance économique, soumission politique, externalisation de la sécurité, influence des puissances étrangères, sans oublier la monnaie CFA, qu’il cite comme un symbole d’asservissement monétaire.

Or, « sans États forts, point d’institutions régionales solides », martèle-t-il. Dès lors, vouloir construire une Union africaine puissante avec des États dépendants revient, selon lui, à bâtir sur du sable.

Une unité conçue ailleurs

Mais c’est sur la construction institutionnelle de l’Afrique unie qu’il est le plus critique : « On veut créer l’unité africaine à partir d’instruments dont la conception, l’institutionnalisation, n’ont pas été le fait des Africains eux-mêmes », déplore-t-il avec gravité.

La genèse de l’Union africaine, les mécanismes communautaires actuels, les structures régionales : pour Arifari Bako, tout cela porte l’empreinte de logiques exogènes, parfois imposées ou copiées, rarement pensées par et pour les Africains.

La crise libyenne, à laquelle il a personnellement participé en tant qu’acteur diplomatique lors de nombreux sommets, est pour lui l’illustration parfaite de cette impuissance africaine face à l’ingérence étrangère. « La décision d’intervention n’est pas venue d’Afrique », rappelle-t-il, en allusion à l’intervention occidentale qui a précipité la chute de Kadhafi.

Tout en dénonçant ce qu’il nomme une « illusion fonctionnelle » de l’unité africaine, Arifari Bako ne verse pas dans le défaitisme. Il reconnaît les soubresauts actuels comme les premiers signes d’un sursaut souverainiste. Le retrait de pays comme le Mali, le Burkina Faso ou le Niger de la CEDEAO est, selon lui, le symptôme d’une phase de « reconquête de la souveraineté historique ». Mais il prévient : ce combat exige de la lucidité, du courage politique et une volonté populaire. « La veille panafricaniste, la quête de l’unité africaine, c’est un combat permanent. Travaillons ensemble pour avancer dans la voie ouverte par les fondateurs. C’est à ce prix que le rêve pourra devenir une réalité. »

La souveraineté : condition sine qua non d’une Afrique forte

Fidèle à l’approche de l’Institut qu’il représente, le directeur du Chant d’Oiseau a, pour sa part, insisté sur la nécessité de recentrer la gouvernance africaine sur le bien commun et la responsabilité. Pour lui, la vraie rupture ne viendra que lorsque « le décideur sera un vrai gouverneur, et que le colon cessera d’être le gouverneur ».

Loin des slogans, le débat initié par l’IAJP se veut un espace de remise en question sérieuse, rigoureuse et engagée. Les cercles de réflexion reprendront le jeudi 7 août prochain, toujours au siège de l’institution à Cotonou. D’ici là, la petite musique critique d’Arifari Bako continuera sans doute de résonner dans les esprits : et si, à force d’être invoquée sans être construite, l’unité africaine n’était qu’un mirage ? [Cliquez-ici pour plus d’informations]

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18 juillet 2025, par Abbas TITILOLA

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