Ma culture, mon identité : à la découverte du vodun Lègba, gardien des carrefours et messager des Dieux

Clé des mystères du vodun

Legba est l’une des divinités les plus célèbres et respectées du panthéon vodun au Bénin et dans la diaspora. Gardien des carrefours, protecteur des seuils et médiateur entre les hommes et les esprits, il est le premier à être invoqué dans toute cérémonie. Son culte reflète la sagesse des anciens et le lien permanent entre le visible et l’invisible.
Legba apparaît dans les traditions du royaume de Danxomè comme le « portier cosmique », celui qui détient les clés des passages entre le monde des humains et celui des divinités. Selon Pierre Verger dans Dieux d’Afrique, aucun rite ne peut débuter sans son autorisation, car il est l’intercesseur par excellence. Son culte s’est diffusé au Togo, au Ghana et jusqu’aux Amériques (Haïti, Brésil) sous des formes variées (Papa Legba, Eleggua).
La ruse de Legba pour sauver un village menacé
Dans un temps ancien, un village du Danxomè fut frappé par une terrible sécheresse. Les dieux de la pluie, offensés par les hommes, avaient fermé le ciel et détourné les nuages. Les récoltes mouraient, les enfants pleuraient de faim.
Les prêtres supplièrent Legba d’intervenir. Legba, rusé et sage, promit son aide mais exigea un grand respect : aucune parole mensongère, aucune promesse brisée.
Legba partit au carrefour des mondes et s’adressa au dieu de la pluie, Shango. Shango refusa d’abord : « Les hommes ont trahi nos lois ! » Mais Legba, par ses paroles habiles, ses offrandes choisies, et un pacte scellé sous un grand iroko, convainquit Shango d’ouvrir le ciel.
La pluie revint ce soir-là, tombant doucement sur les champs desséchés. Le village fut sauvé. Depuis ce jour, nul rite ne commence sans invoquer Legba, car seul lui sait ouvrir la voie, calmer les dieux et protéger les hommes par la parole et la ruse.
Symbolisme et représentations
Legba est souvent représenté sous la forme d’un vieillard à l’allure difforme, appuyé sur une canne, image de la sagesse et de la ruse. On le symbolise par :
des clés et cadenas (gardien des passages),
des pierres dressées ou des monticules de terre avec un long phallus aux carrefours,
des cannes noueuses et des bâtons sculptés.
Ses couleurs : rouge, noir, blanc.
Le phallus que porte le Lêgba : ce qu’il faut comprendre
Le Lêgba, figure centrale du vodoun béninois, est souvent représenté par un monticule d’argile ou de latérite orné de cauris, cornes et surtout d’un phallus en érection permanente. Ce symbole exprime la virilité, la procréation et le flux d’énergie vitale. Selon les dignitaires vodoun, le phallus est à la fois l’arme et la source de puissance de Lêgba : il voit, se nourrit et agit par cet organe. Le Lêgba joue un rôle essentiel dans l’organisation des rites, la protection des espaces, la gestion des désordres et la sécurisation des lieux.
Les spécialistes rappellent que la verticalité du phallus traduit le lien entre ciel et terre, symbolisant l’énergie, l’activité et la quête d’existence. Le Lêgba est une institution structurante dans la pensée et l’aménagement de l’espace selon les traditions ancestrales béninoises.
Rituels et pratiques
Les fidèles lui offrent du gin, de l’huile rouge, des galettes de maïs, des akassa, et des poulets rouges. Il reçoit la première salutation au lever du jour. Toute cérémonie commence par un hommage à Legba pour ouvrir la voie spirituelle.
Les prêtres Legba, comme en témoignent les recherches de Patrick Aguessy et les observations de Suzanne Preston Blier, organisent des rituels aux carrefours pour demander la bénédiction des voyages ou des entreprises.
Lucien, ancien initié vodun, rapporte : « Sans Legba, aucune parole ne monte, aucun esprit ne descend. Dans mon village, à chaque carrefour, un petit autel lui est dédié. »
Interdits et prescriptions
Il est interdit :
de passer devant un autel Legba sans marquer un signe de respect ;
de profaner ses symboles (cannes, statues) ;
de s’exprimer devant lui avec arrogance.
Avis des spécialistes
Pierre Verger (Dieux d’Afrique) décrit Legba comme « la bouche des dieux ».
Suzanne Preston Blier évoque ses statues phalliques et son rôle dans l’architecture sacrée.
Robert Cornevin insiste sur sa présence constante dans la vie quotidienne au Bénin.
Legba, par son rôle de gardien des portes, rappelle aux fidèles l’importance de l’humilité, de la prudence et du dialogue entre les mondes. Son culte reste vivant, symbole d’identité culturelle et spirituelle.
Sources
Pierre Verger, Dieux d’Afrique.
Suzanne Preston Blier, The Anatomy of Architecture.
Robert Cornevin, Histoire du Bénin.
Témoignage de Lucien, ancien initié, recueilli à Bohicon.
benin-news.com, l’information autrement.