Alimentation et nutrition au Bénin : les légumes au cœur de la santé et du bien-être des populations

0 78
Portez l’elegance

Au Bénin, la consommation de légumes n’est pas encore une habitude bien ancrée. Si, dans les marchés, les étals débordent de tomates rouges, de feuilles d’amarante et de basilic d’un vert éclatant, ou encore de carottes orange vif, de nombreux ménages n’en consomment pas assez pour préserver leur santé. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande au moins 400 grammes de fruits et légumes par jour, soit cinq portions, mais la réalité reste très éloignée de cette norme.

Mozart

Entre habitudes alimentaires fortement enracinées, manque d’informations, les légumes sont souvent relégués au rang d’accompagnement. Conséquence : des carences persistent chez les enfants, freinant leur croissance et leur apprentissage, tandis que les maladies chroniques comme l’hypertension et le diabète se multiplient chez les adultes.

Étals de légumes au marché de Mènontin

Pour mieux comprendre comment les légumes passent des champs aux assiettes et pourquoi leur consommation reste irrégulière, nous avons interrogé des ménages et des acteurs du marché. À Parakou, Sandrine, ménagère, confie : « Chez nous, les légumes sont réservés aux repas du week-end en famille. »

À Cotonou, Oscar affirme : « Ma femme choisit souvent nos repas. Nous mangions des légumes, mais pas régulièrement . » Roger V., jeune célibataire, raconte : « je mange rarement des légumes. Je consomme généralement du riz, haricots, la pâte avec sauce tomate. Bref, les rares fois où je mange des légumes, c’est la fête. »

Un fonctionnaire s’interroge : « Combien de restaurants à Cotonou servent exclusivement des légumes ? C’est les mêmes plats : pâtes, riz, spaghetti… Dans nos foyers, on peut comprendre, mais combien de fois un fonctionnaire mange à la maison ? »

Étals de légumes au marché de Gbégamey

Au marché moderne de Ménontin, Carine Anani note un engouement croissant :
« Avant, les gens n’achetaient pas beaucoup de légumes. Mais avec les réseaux sociaux et toutes les campagnes sur leurs bienfaits, la demande a fortement augmenté. Beaucoup viennent parce qu’ils savent qu’un légume peut aider à soigner telle ou telle maladie. » Dame Filomène vendeuse à Dantokpa fait savoir : « J’ai des clients réguliers qui viennent en voiture pour acheter uniquement des légumes et des fruits. »

À Kandi, Maman Véronique nuance : « Les clients se plaignent parfois de l’usage d’engrais, mais finissent par acheter malgré tout. »

Engrais : inquiétudes et pratiques raisonnées

L’utilisation d’engrais chimiques suscite une inquiétude grandissante. Firmin G. déplore : « Aujourd’hui, légume n’est plus légume. Rien que des produits chimiques. Pis, nous importons plus que nous produisons. Dans ces conditions, il y a du poison dans nos assiettes chaque jour. Il faut trouver une solution. »

Gérémie H ajoute : « On nous encourage à consommer des légumes pour la santé, mais certains sont devenus des poisons à cause des produits chimiques. »

Pour nuancer ce constat, certains producteurs adoptent une approche raisonnée. Fidèle HOUÉTON explique : « J’utilise un mélange d’engrais organiques et minéraux, mais je respecte scrupuleusement les doses et les délais avant récolte. Mes clients savent qu’ils achètent des légumes sains et nutritifs. »

Fidèle HOUÉTON en pleine récolte des légumes

D’autres producteurs misent sur le bio. À Cotonou, dans la vons du Novotel, en face de l’ambassade du Japon, Gédéon Zohoun cultive sans engrais chimiques :
« Chez moi ici, je ne recours jamais aux engrais chimiques. Je préfère utiliser du compost naturel et des techniques de rotation des cultures. »

Gédéon Zohoun en plein arrosage

Pour Aurèle Quenum, un maraîcher, rencontré à Dèkoungbé, l’on doit faire du maraîchage un métier stable et rentable, tout en garantissant des légumes sains. « Cela passe par l’éducation alimentaire à l’école, la sensibilisation continue et un accès facile pour la population. » a-t-il souligné.

Ces initiatives rejoignent celles de projets comme SAFEVEG, qui promeut une production durable, et CASCADE, qui accompagne les femmes dans la mise en place de jardins de case, véritables sources de légumes frais pour les ménages.

Une femme dans son jardin de case à l’initiative du projet Cascade

Les légumes : santé publique et éducation alimentaire

Au-delà de la disponibilité, ce sont les vertus des légumes qu’il faut mieux faire connaître. Le diététicien Serge Patrice Zinvoédo explique : « Les légumes sont riches en fibres et vitamines. Ils réduisent les risques d’AVC, de diabète, d’hémorroïdes et de constipation. Après 40 ans, en consommer régulièrement devrait être une habitude quotidienne. »

La docteure Lise Hélène Adjahi, médecin généraliste, confirme : « Les fibres augmentent la satiété, préviennent la constipation et même le cancer du côlon. Elles aident aussi à lutter contre l’obésité. Les recommandations internationales conseillent cinq portions de fruits et légumes par jour. C’est simple, mais vital. »

Dans les écoles, l’éducation alimentaire prend tout son sens. Le Programme national d’alimentation scolaire intégré (PNASI), soutenu par l’Agence nationale de l’alimentation et de la nutrition (ANAN), intègre davantage de légumes locaux dans les cantines. Le projet CASCADE a renforcé cette initiative en soutenant l’approvisionnement local.

Les jardins scolaires sont également prometteurs : planter, entretenir et récolter des légumes à l’école permet de diversifier les repas des enfants et de leur donner le goût du légume dès le plus jeune âge. « Les jeunes aiment manger ce qu’ils ont eux-mêmes cultivé », note un enseignant à Cotonou.

Pour une consommation durable

Dans les foyers, les féculents et sauces riches en huile dominent encore, souvent par habitude ou méconnaissance. Le prix des légumes, surtout en période de soudure, constitue aussi un frein.

Pour relever ces défis il est important de : renforcer l’éducation alimentaire dès l’école et dans les familles ; multiplier les jardins de case et potagers scolaires pour rendre les légumes accessibles et désirés ; soutenir la production locale via des techniques durables ; assurer des prix abordables grâce à des circuits courts et surtout, continuer les campagnes médiatiques pour rappeler la recommandation de l’OMS : « Cinq portions de fruits et légumes par jour sauvent des vies. »

Des champs de Cotonou aux marchés de Kandi, des repas familiaux de Parakou aux cantines scolaires, une évidence se dégage : les légumes sont au cœur de la santé et du bien-être des populations béninoises. Ils nourrissent, préviennent et protègent contre des maladies de plus en plus présentes.

Les initiatives du gouvernement, appuyées par des projets comme CASCADE et SAFEVEG, ouvrent déjà la voie. Mais la véritable victoire dépendra de la capacité des ménages à transformer la consommation des légumes en réflexe quotidien. Comme le résume Sandrine, ménagère à Parakou : « Ce n’est pas encore totalement dans nos habitudes. Mais petit à petit, on y arrive. »

Abbas TITILOLA

Leave A Reply

Your email address will not be published.

× Contactez-Nous