Menstruations des femmes au Bénin : « Briser les tabous » – Laurence Ahissou mise sur la jeunesse pour déconstruire les fausses croyances

À l’occasion de la Journée Internationale de la Jeunesse, ce mardi 12 Août 2025, Laurence Ahissou, consultante en Droits et Santé Sexuels et Reproductifs (DSSR), revient sur le rôle déterminant que peuvent jouer les jeunes, filles et garçons, dans la déconstruction des tabous liés aux menstruations au Bénin. Dans cet entretien accordé à notre média, elle met en lumière les barrières culturelles persistantes, tout en proposant des pistes concrètes pour renforcer l’engagement des jeunes et bâtir une société plus inclusive et informée. Lisez l’entretien.

Au Bénin, quel rôle les jeunes en particulier les jeunes filles et garçons peuvent-ils jouer pour briser les tabous autour des menstruations dans leurs communautés?
Les jeunes Béninois, filles et garçons, peuvent jouer un rôle de premier plan pour transformer les attitudes, briser les tabous et garantir que les menstruations ne soient plus un obstacle à l’éducation et au bien-être de toutes les filles.
Il est essentiel que les garçons comprennent que les menstruations sont un processus biologique normal et non une source de honte. En s’abstenant de moqueries, en faisant preuve d’empathie et en défendant leurs camarades filles, ils peuvent transformer la perception de la communauté et créer un environnement plus respectueux et solidaire.
Ce faisant, les jeunes garçons peuvent montrer leur soutien pour réduire les tabous autour des menstrues, jouer le rôle d’allié ou de modèle acquis à la cause du droit menstruel ou de la justice menstruelle. Ceci permettra à ces jeunes alliés de faire de la sensibilisation « pair par pair» pour un changement de comportement au sein de leur communauté en faveur du droit menstruel.
Ceux en particulier qui ont accès à l’information, peuvent devenir des ambassadeurs de la santé menstruelle. En partageant leurs connaissances avec leurs amis, leurs frères, leurs sœurs et d’autres membres de la communauté, ils peuvent ainsi contribuer à démystifier les règles et corriger les fausses croyances et les tabous menstruels.
Il faut préciser qu’ici les jeunes filles sont les premières qui subissent les conséquences liées aux tabous menstruels. Elles doivent assumer leur menstruation avec dignité même si parfois le contexte socio culturel ne le favorise pas. Elles peuvent parler ouvertement de leurs expériences pour normaliser le sujet et former des groupes de soutien ou des cercles féminins où elles peuvent échanger librement sur leurs expériences, partager des conseils et s’entraider mutuellement pour gérer leurs règles. Ces réseaux renforcent leur confiance et leur capacité à faire face aux défis menstruels qui durent plusieurs décennies dans la durée de vie d’une fille menstruée.
Quelles sont les principales barrières culturelles ou sociales auxquelles les jeunes béninois font face lorsqu’ils s’engagent pour une meilleure éducation menstruelle ?
En termes de barrières, nous avons par exemple les tabous et stigmatisations, les mythes et fausses croyances, l’accompagnement insuffisant ou inexistant de certains garçons et hommes dans la cause menstruelle et le manque de soutien parental.
Les menstruations sont souvent un sujet tabou, considéré comme “sale” ou “honteux” et sont gérées en secret.
Cette stigmatisation crée un climat de silence qui empêche les discussions ouvertes à la maison, à l’école et dans la communauté.
Les jeunes filles peuvent avoir peur d’en parler à leurs parents, à leurs enseignants ou à leurs camarades de classe, ce qui les isole et les empêche de recevoir des informations essentielles. Aussi, il existe de nombreux mythes et fausses croyances autour des menstruations qui peuvent restreindre les activités des filles. Ces mythes peuvent inclure des interdictions de cuisiner, de participer à des cérémonies religieuses ou de toucher certaines choses par exemple.
Dans de nombreuses communautés, l’éducation menstruelle est perçue comme une affaire de femmes uniquement, ce qui exclut parfois les garçons et les hommes de la conversation. Cette exclusion perpétue l’idée que les menstruations sont un sujet secret ou encore un sujet qu’on ne devrait pas aborder par exemple autour d’une table à manger.
Les garçons, mal informés, peuvent participer à la stigmatisation par des moqueries ou un manque d’empathie, ce qui rend la situation encore plus difficile pour les filles. L’implication des hommes et des garçons est pourtant cruciale et souhaité pour un changement durable.
Il faut aussi reconnaître que les enseignants et les parents ne sont pas toujours formés ou à l’aise pour aborder le sujet de l’éducation menstruelle. Sans le soutien de ces figures d’autorité, les initiatives des jeunes peuvent avoir du mal à prendre de l’ampleur.
Comment les acteurs en DSSR au Bénin peuvent-ils renforcer la participation des jeunes dans la sensibilisation et la mise en œuvre d’initiatives sur la santé menstruelle?
Pour renforcer la participation des jeunes dans la sensibilisation et la mise en œuvre d’initiatives sur la santé menstruelle au Bénin, les acteurs en Droits et Santé Sexuels et Reproductifs (DSSR) peuvent adopter des approches spécifiques à travers la formation adaptée aux jeunes sur les aspects biologiques des menstruations, mais aussi sur les compétences en plaidoyer, en communication et en gestion de projet, en favorisant la création d’espace inclusifs et sûrs pour la discussion sur les DSSR.
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