Réaction des avocats de Comlan Hugues Sossoukpè : ils confirment sa détention à Ouidah et dénoncent un silence troublant des autorités

Après plusieurs jours d’incertitudes, les avocats de Comlan Hugues Sossoukpè sont enfin sortis de leur silence. Dans un communiqué rendu public ce dimanche 13 juillet 2025, le collège d’avocats en charge de la défense du journaliste et lanceur d’alerte béninois confirme sa détention à la prison civile de Ouidah, au Bénin, à la suite de son interpellation en Côte d’Ivoire et de son transfert vers son pays d’origine. Réfugié politique au Togo depuis 2019, Sossoukpè aurait été arrêté sans respect des règles internationales applicables à son statut. Ses conseils dénoncent une interpellation hors cadre, une extradition déguisée, ainsi qu’un mutisme inquiétant des autorités béninoises et ivoiriennes. Dans leur premier communiqué officiel, ils formulent des exigences claires et en appellent à la responsabilité des États concernés, tout en mobilisant la communauté nationale et internationale. Ci-dessous l’intégralité de leur déclaration 👇

Communiqué de Presse
Collège d’Avocats – Défense de Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè
Paris, le 13 juillet 2025
Le présent communiqué, dicté par l’urgence et la gravité des circonstances, est rendu publique à titre conservatoire, dans l’attente de pouvoir informer officiellement sur l’ensemble des diligences entreprises par le Collège d’Avocats pour faire la lumière sur la véritable situation de Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè.
Le Collège d’Avocats soussigné exprime sa plus vive préoccupation quant à la situation particulièrement préoccupante de Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè, journaliste béninois, défenseur des droits humains et lanceur d’alerte, exilé à Lomé (Togo) et bénéficiant depuis 2019, du statut de réfugié conformément à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.
Contexte et faits préoccupants
Invité par le ministère ivoirien de la transition numérique et de la digitalisation à participer à l’Ivoire Tech Forum, Monsieur Sossoukpè est arrivé à Abidjan le 8 juillet 2025, où il a été accueilli et installé par une délégation officielle des organisateurs, en sa qualité de journaliste et Directeur de publication du Journal Olofofo.
Dès le 11 juillet 2025, plusieurs titres de presse béninois, relayés par les réseaux sociaux, ont rapporté son interpellation par les autorités ivoiriennes, suivie de sa remise immédiate aux autorités béninoises.
Selon ces mêmes sources, il aurait été présenté au Procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme du Bénin (CRIET) et aurait fait l’objet d’un mandat de dépôt.
Effectivement, Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè est actuellement détenu à la prison civile de Ouidah (Bénin).
Curieusement, aucune déclaration officielle n’a été faite par les autorités gouvernementales béninoises ou ivoiriennes encore moins par les organes judiciaires de ces deux Etats, laissant place à une inquiétude grandissante et à de nombreuses interrogations quant à l’intégrité physique et au respect des droits fondamentaux de Monsieur Sossoukpè comme le commande une procédure régulière dans un Etat de droit.
Nos préoccupations majeures
Le silence persistant des autorités béninoises et ivoiriennes face à la gravité de la situation, alors même que la transparence et la communication officielle sont essentielles à la protection des droits de Monsieur Sossoukpè.
Le risque sérieux d’atteinte aux droits et libertés fondamentaux de Monsieur Sossoukpè, notamment son droit à la protection internationale dont il est bénéficiaire auprès de l’Etat togolais, à un procès équitable, à la sécurité et à la dignité, en tant que journaliste engagé et lanceur d’alerte déterminé. Que ni l’Etat béninois et ivoirien ne sauraient ignorer que le statut dont est bénéficiaire Monsieur SOSSOUKPE n’est pas compatible à une possible extradition dans son pays d’origine.
L’absence totale d’information officielle des autorités, en dépit de la gravité de la situation, contraste singulièrement avec les exigences de transparence et de respect de l’État de droit. Ce mutisme nourrit la spéculation, accentue l’angoisse des proches de Monsieur Sossoukpè et porte atteinte à la confiance dans les institutions et particulièrement dans l’institution judiciaire. Le choix délibéré de garder secrète la procédure qui vise notre client constitue une violation flagrante de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 ainsi que l’ensemble du corpus législatif en matière pénale.
Nos demandes solennelles
En notre qualité d’avocats en charge de la défense de Monsieur Sossoukpè, nous exigeons :
La communication immédiate et circonstanciée des autorités béninoises et ivoiriennes sur la situation exacte de Monsieur Sossoukpè, quant à l’interpellation et à la détention et aux garanties procédurales mises en œuvre ;
Le respect absolu de ses droits fondamentaux, conformément à la Constitution béninoise, aux conventions internationales ratifiées par le Bénin et la Côte d’Ivoire, et à son statut de bénéficiaire de la protection internationale ;
L’accès effectif à ses conseils, à sa famille et aux organisations de défense des droits humains, afin de s’assurer du respect de sa dignité, de sa sécurité et de ses droits procéduraux ;
La mobilisation de la communauté nationale et internationale pour veiller à ce que Monsieur Sossoukpè ne fasse l’objet d’aucune mesure arbitraire, de traitements inhumains ou dégradants, ni de procédures particulièrement contraires aux standards internationaux ;
Appel à la responsabilité
Nous appelons solennellement les autorités concernées à agir avec responsabilité, transparence et humanité, et à rassurer l’opinion publique en clarifiant sans délai la situation de Monsieur Sossoukpè.
Nous constatons, avec la gravité qui s’impose, que l’État ivoirien a manqué à son devoir essentiel et inaliénable de garantir la protection effective de toute personne placée sous la protection internationale d’un Etat tiers, conformément à ses engagements internationaux et à l’esprit du droit d’asile.
Le collège d’avocats demeure pleinement mobilisé et déterminé à défendre les droits de Monsieur Sossoukpè, dans l’intérêt de la justice, de la liberté d’expression et du respect de l’État de droit.
Précision finale
Nous précisons, avec la plus grande fermeté, que toute interpellation de Monsieur Sossoukpè opérée en violation de son statut de protégé international, hors de toute procédure judiciaire régulière et sans l’assistance d’un avocat, ne saurait, en aucun cas, être considérée comme une interpellation, une extradition ou une détention provisoire au sens du droit.
Il s’agit d’un abus, dont les auteurs et complices devront répondre devant les juridictions compétentes, tant nationales qu’internationales, aujourd’hui comme demain.
Ont signé :
Me Dossou B. Stanic ADJACOTAN, Avocat à la Cour, Barreau de la Seine Saint Denis
Me Charlemagne DAGBEDJI, Avocat à la Cour, Barreau de Paris
Me Elie DOVONOU, Avocat à la Cour, Barreau du Bénin
Me Barnabé GBAGO, Avocat à la Cour, Barreau du Bénin
Me Hervis MIKPONHOUE, Avocat à la Cour, Barreau du Bénin
Me Gameli NOUWADE, Avocat à la Cour, Barreau de Paris
Me Maximin POGNON, Avocat à la Cour, Barreau du Bénin