Eaux de puits à ciel ouvert : le Dr Firmin Adandedji alerte sur les risques sanitaires liés aux algues toxiques
Spécialiste en qualité de l’eau et en hygiène, Dr Firmin Adandedji a profité d’un échange avec les journalistes du Réseau des Médias Africains pour la Promotion de la Santé et de l’Environnement (REMAPSEN) dans le cadre du “Rendez-vous du Ramapsen”, pour tirer la sonnette d’alarme sur un danger silencieux : la prolifération d’algues dans les puits à ciel ouvert. Ces derniers, omniprésents dans les concessions au Bénin, seraient à l’origine de nombreuses pathologies méconnues.
Dr Firmin Adandedji
Dans de nombreuses localités béninoises, les puits à ciel ouvert laissent filtrer la lumière, favorisant le développement de micro-organismes, notamment des algues verdâtres. Si leur présence peut sembler anodine ou simplement inesthétique, leur impact sur la santé est loin d’être négligeable. Selon Dr Adandedji, « ce sont des algues. Quand un puits est réalisé sans protection, laissé à ciel ouvert, la lumière y pénètre. Et cette lumière favorise l’activité photosynthétique, ce qui entraîne la formation de ces algues, généralement verdâtres. »
Le chercheur met en garde : « Elles produisent des toxines. L’une des plus dangereuses est l’hépatotoxine. Elle s’attaque directement au foie. Quand vous consommez une eau contenant cette toxine, vous vous exposez à des maladies comme l’hépatite, voire le cancer du foie. »
Il signale également des pathologies comme « la gastroentérite, le vibrio choléré, le vomissement », précisant que « beaucoup de maladies qu’on n’arrive pas toujours à expliquer viennent en réalité de la consommation de ces eaux de mauvaise qualité. »
L’une des idées reçues les plus répandues est de croire qu’une eau claire est synonyme de pureté. Or, pour le Dr Adandedji : « Une eau claire n’est pas forcément potable. Il peut y avoir des contaminants invisibles à l’œil nu. »
Il enchaîne : « La contamination microbiologique est très fréquente. Ensuite viennent les nitrates issus des engrais chimiques. Et puis les algues. Donc l’apparence de l’eau ne suffit pas. »
Prévenir les risques, une responsabilité collective
La solution première réside dans la protection des puits. « Quand on couvre un puits, on empêche la lumière de rentrer. Et donc on empêche le développement de ces algues », souligne l’expert. Il regrette cependant que « les populations font leur puits, mettent la puisette, et s’en servent, sans couverture, sans margelle étanche. C’est une erreur. La norme exige une couverture, une protection de l’ouvrage. »
À cela s’ajoute la nécessité d’un entretien périodique. « Il faut vidanger périodiquement les puits. On peut, par exemple, retirer toute l’eau avec une pompe et laisser les nappes se recharger naturellement », recommande-t-il, tout en mettant en garde contre le fait d’utiliser « un ancien puits comme dépotoir », car « on contamine d’autres puits à un ou deux kilomètres à la ronde. »
Contrairement à une idée répandue, les nappes phréatiques ne sont pas totalement à l’abri. « Elles sont plus protégées que les eaux de surface, mais pas à l’abri. Les premières sources de contamination sont microbiologiques. Ensuite viennent les engrais chimiques (NPK) et leurs dérivés comme les nitrates. Puis viennent les algues. Il y a aussi les champignons qui peuvent se développer même sans lumière, et produire d’autres toxines. »
Il attire aussi l’attention sur les distances à respecter entre les puits et les latrines : « La norme recommande entre 15 et 20 mètres. Si ce n’est pas respecté, c’est un drame. Si quelqu’un installe son WC à côté de votre puits, vous consommez ce qu’il rejette. »
Dr Firmin Adandedji termine en lançant un appel à l’action : « Ce n’est pas juste une question d’hygiène, c’est une question de santé publique. Il faut protéger les puits, respecter les normes, faire les entretiens nécessaires. Et il faut des actions de plaidoyer, des décisions politiques, des financements pour accompagner tout cela. J’appelle aussi les communicateurs à s’impliquer pour faire passer les bons messages. Nous sommes tous concernés, parce que nous consommons tous la même ressource. »
En somme, l’eau des puits n’est pas toujours synonyme de pureté. La vigilance, l’entretien régulier et le respect des normes techniques sont des conditions non négociables pour préserver la santé publique. Le message du Dr Adandedji est clair : la solution est à portée de main, mais elle nécessite une prise de conscience collective.
Photo de famille avec les journalistes du Remapsen
Abbas TITILOLA