Mariage traditionnel ou moderne : regards croisés de jeunes Béninois et éclairages d’experts

0 289

Entre liberté, coutume et responsabilités, les jeunes partagés.

De nos jours, le mariage, entre coutume et légalité, divise les choix chez les jeunes Béninois. Alors que le mariage traditionnel reste ancré dans les pratiques culturelles et familiales, le mariage moderne, célébré devant un officier d’état civil, gagne du terrain dans les milieux urbains. Ces deux formes, bien que différentes dans leur essence, cohabitent dans les trajectoires conjugales. Mais à laquelle les jeunes accordent-ils leur préférence ? Et quelles en sont les implications sociales et juridiques ? Éléments de réponse à travers des témoignages et des regards d’experts – juriste et sociologue.

Pour certains jeunes interrogés, le mariage moderne représente une forme d’émancipation, de personnalisation et d’adaptation à la vie contemporaine. C’est le cas de Larysson Kokodoko, étudiant à l’Enstic, qui affirme sans détour :

“Moi, je préfère le mariage moderne. Il est plus personnalisé selon nos goûts. En plus, je trouve que la dot, dans le mariage traditionnel, c’est un peu comme acheter la femme. Je ne vois pas trop son importance.”

D’autres préfèrent concilier tradition et modernité, comme Aho Aurel, étudiant à la faculté d’Histoire et d’Archéologie à l’UAC, qui veut respecter les usages avant de passer devant le maire :

“Je veux d’abord le mariage traditionnel, puisque c’est important culturellement, puis faire le mariage moderne à la mairie ou à l’église. Les deux sont importants.”

Yvonne Atandé, couturière, préfère le mariage moderne :

“Je trouve le mariage moderne plus intime et personnalisé. Pas besoin d’inviter toute la famille ni de s’exposer devant beaucoup de monde. C’est plus simple, plus discret, et ça me convient mieux avec mon mari et notre petit cercle.”

Mais pour Abel Dénakpo, un vitrier rencontré à Cotonou, la tradition laisse à l’homme plus de liberté dans ses choix :

“Le mariage traditionnel me semble plus libre. Le mariage moderne est trop contraignant, surtout pour l’homme. Tu te sens obligé de faire certaines choses. Tu perds en liberté.”

Les regards d’experts : une lecture sociale et juridique du choix

Pour Oumemath Gbaguiri, sociologue et spécialiste des questions de genre et d’inclusion sociale à l’UAC, le mariage dépasse la simple union amoureuse. Il s’agit aussi d’un pacte social fort.

“Le mariage, c’est l’union de deux familles. Il a une fonction de cohésion sociale. Mais il faut que les jeunes sachent dans quel type de famille ils s’engagent. Cela passe par une bonne connaissance des exigences de la belle-famille, de la dot, et des éléments constitutifs du mariage.”

Concernant le recul face au mariage moderne, elle avance une explication sociale et genrée :

“Beaucoup d’hommes estiment que le mariage civil donne trop de pouvoir à la femme. On dit parfois qu’à la mairie, la femme prend un ‘titre foncier’ sur son mari. Il y a cette peur de perdre sa liberté, de ne plus pouvoir ‘brader’ son patrimoine ou multiplier les partenaires.”

Du côté du droit, Rodolphe Atayi, juriste et auditeur en droit privé à l’UAC, rappelle que seule l’union célébrée devant un officier d’état civil est pleinement reconnue juridiquement :

“Le mariage traditionnel n’offre pas les protections prévues par le Code des personnes et de la famille. En cas de divorce, une femme mariée de façon coutumière ne peut pas prétendre à une pension alimentaire, ni au droit de résidence dans le domicile conjugal.”

Il observe aussi une négligence croissante de cette forme de mariage chez les jeunes :

“Ils évitent le mariage civil pour ne pas assumer certaines responsabilités. Il y a aussi un manque de sensibilisation et beaucoup de préjugés sociaux.”

Entre tradition et modernité, les jeunes Béninois naviguent avec leurs aspirations, leurs craintes et les représentations sociales qui pèsent sur leurs choix. Si le mariage traditionnel semble préserver certaines libertés, le mariage moderne, lui, offre une sécurité juridique importante, en particulier pour les femmes. Le débat reste ouvert, mais il interroge, au fond, la manière dont une nouvelle génération redéfinit ses engagements, entre héritage culturel et exigences contemporaines.

Réalisation : Michée Tchezounme

Leave A Reply

Your email address will not be published.

× Contactez-Nous