Willy Mignon : un talent oublié, fauché loin de chez lui

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Hier mardi 4 février 2025, la musique béninoise a perdu l’une de ses voix les plus marquantes avec le décès de Willy Mignon, de son vrai nom Mignon E. Wilfried. À seulement 38 ans, cet artiste talentueux s’est éteint à l’hôpital Yalgado de Ouagadougou, au Burkina Faso, après une courte maladie.
Mais au-delà de la tristesse, son départ soulève une question douloureuse : comment un artiste de sa trempe a-t-il pu en arriver à s’exiler et à finir sa carrière loin des projecteurs, contraint de travailler comme DJ dans un bar ?

Un parcours brillant, un talent incontestable

Né le 29 avril 1986 à Parakou et originaire de Savalou, Willy Mignon découvre la musique très tôt aux côtés de ses sœurs à Ouidah. Passionné, il devient chef de l’orchestre du Collège d’Enseignement Général 2 de la ville avant de rejoindre le groupe Canons B52 du campus de Porto-Novo en tant que bassiste.

En 2007, il se lance en solo avec la sortie de son premier album et crée le concept « Noudjihou », qui séduit immédiatement la jeunesse béninoise. Grâce à des titres emblématiques comme Mindédji, Lintchin et Mimanonwlao, il s’impose sur la scène musicale avec un style mêlant tradition et modernité. Mais Willy Mignon ne se limite pas à l’interprétation : arrangeur et compositeur, il cherche constamment à innover pour faire rayonner la musique béninoise.

Un artiste ignoré dans son propre pays

Malgré son talent et son succès, Willy Mignon a vécu une amère désillusion au Bénin. Son nom, jadis incontournable, a progressivement disparu des grandes scènes nationales. Il en témoigne lui-même dans un message poignant :

« Plus de 10 ans que mon nom a été effacé de tous les fichiers musicaux et scéniques de l’État béninois. Aucune invitation sur les scènes des grands événements du pays. Aucune autorité ne rappelle ou ne défend le nom de Willy Mignon dans les programmations. »

Face à cet oubli et à l’absence de reconnaissance officielle, l’artiste finit par prendre une décision difficile : quitter son pays pour tenter sa chance ailleurs.

L’exil forcé et une fin tragique

Contraint de partir, Willy Mignon pose ses valises au Burkina Faso, où il devient manager du bar Royaume des Stars à Pissy, Ouagadougou. Là-bas, il continue tant bien que mal à vivre de sa passion, comme il l’exprimait avec un mélange de résignation et de détermination :

« C’est peut-être le signe que nous n’avons pas fait grand-chose comme œuvre et qu’il faut travailler davantage. Et c’est ce que je fais chaque jour. Vive la musique béninoise. »

« Ce qui me réconforte, c’est que je ne vis que de ma musique. Ceux qui m’aiment savent payer mes prestations et mes œuvres. »

Ironie du sort, cet artiste béninois a même chanté pour l’équipe nationale du Burkina Faso, un pays qui l’a peut-être mieux accueilli que le sien.

Malheureusement, le destin en a décidé autrement. Hospitalisé après une courte maladie, Willy Mignon s’est éteint loin de son Bénin natal, dans l’indifférence des autorités qui l’avaient déjà oublié de son vivant.

En hommage à sa mémoire, le bar qu’il dirigeait au Burkina Faso a été fermé.

Un drame qui interroge sur la condition des artistes béninois

Le parcours de Willy Mignon illustre tristement la précarité qui frappe de nombreux artistes béninois. Comment comprendre qu’un musicien aussi talentueux ait été contraint de quitter son pays pour finir DJ dans un bar à l’étranger ?

Ce drame doit servir d’électrochoc. Il est urgent que le Bénin repense sa politique culturelle et accorde enfin à ses artistes la reconnaissance et le soutien qu’ils méritent.

Willy Mignon n’est plus, mais sa musique, elle, restera.

Adieu, l’artiste.

A.A.T


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